3 raisons d’adopter les tractions pour les athlètes lourds

3 raisons d’adopter les tractions pour les athlètes lourds

Tout d’abord, commençons par préciser ce dont on va parler. Un athlète lourd, tel qu’il sera décrit par la suite, est un athlète (sportif avec objectif de performance) avec soit un poids de corps élevé (variant en fonction de la taille, mais on peut donner comme borne inférieure de masse 100/105kg chez les hommes ou 85/90kg chez les femmes) pour une taille standard, ou un IMC qui serait supérieur à 27/28 kg*m-2. De l’autre côté, hors précisions, je parle de tractions verticales, en prise pronation, sans élastique ni aide extérieure.

1- Le problème du torque interne

Les athlètes lourds ont tendance, encore plus que le reste des athlètes, à avoir des déséquilibres qui impliquent une tête avancée par rapport à l’axe de la colonne vertébrale,  des épaules enroulées (rotation interne de l’épaule, bascule antérieur de la scapula), un haut du dos à l’apparence bossue (hypercyphose thoracique), un bas du dos cambré (hyperlordose lombaire) combiné à une antéversion du bassin, etc…

Ces déséquilibres causent un désaxage des axes des membres les uns par rapport aux autres, des ratios force-longueur musculaire éloignés de leur optimum, des contraintes mécaniques à des endroits où elles ne sont pas censées avoir lieu, le retour nerveux est suboptimal, et ainsi des coordinations intra- et inter-musculaires dans le mouvement sportif moins efficace, et caetera, et caetera.

Tous ces déséquilibres peuvent se regrouper sous le label du déséquilibre de torque interne. Pour remédier à cela, une des solution est de rendre plus fort le « système moteur » opposé.

Et aucun mouvement du haut du corps ne renforce les mouvements du torque externe comme les tractions. Ici, les variantes sont bienvenues (supination, pronation, mix grip, élastiques, etc). Bien entendu, cela peut être combiné avec des mouvements monoarticulaires de torque externe (rotation externe, extension, adduction d’épaule, sonnette interne de la scapula, etc), mais la base de ce rééquilibrage.

ATTENTION : Si l’athlète est plutôt faible sur ce pattern, et qu’il n’est pas habitué aux tractions, il aura tendance à « shrugger » (élévation des épaules) et à passer ses épaules en rotation interne. Ses fixateurs de scapula étant faibles, il faut les renforcer sur les exercices types active hang, et commencer par des variantes type excentrique lent (10 à 30 secondes selon le niveau pour garder de la qualité).

Je rajouterais qu’un travail de type « posturologique » en parallèle peut catalyser les changements et agir de manière synergique vers l’optimisation motrice.

2- Les athlètes lourds sont rarement forts

A ce niveau là de l’article, j’espère que vous avez réfléchi aux quelques athlètes lourds que vous connaissez et vous vous êtes dit qu’il serait un meilleur athlète s’il gagnait 5-6 répétitions sur son maximum de répétitions en tractions.

Cependant, voilà, chez un athlète lourd, augmenter le 1RM en traction est plus pertinent, selon moi, comme objectif que d’augmenter le nombre de répétitions. Pourquoi ? Prenons un exemple.

Prenons un athlète de 125kg. Son 1RM en traction est de 135kg (PDC+10kg). Son maximum de répétitions est de 3 tractions. Cohérent vu qu’à vide il est à environ 92% de son max. Si on veut augmenter son maximum de répétitions, il faut faire des répétitions, et avec seulement 3 répétitions maximales, ça risque de prendre du temps.

Un autre athlète de 80kg avec un 1RM à 90kg (PDC + 10kg) arrivera à réaliser 5-6 tractions, ce qui reste peu, mais qui laisse un peu plus de place à un volume de travail élevé.

Maintenant, passons à l’explication du titre. Les athlètes lourds sont rarement forts. Et c’est malheureusement vrai. Hormis dans les sports de force (haltérophilie, force athlétique, etc), j’ai rarement vu des athlètes lourds de niveau national réaliser 2 fois leur poids de corps en squat, ou 1.4 fois leur poids de corps en traction. Pourtant, j’ai vu un nombre non négligeable d’athlètes légers au moins s’en rapprocher, si ce n’est le dépasser.

Vous me direz (car je vous entends dans le futur vous exclamer sur ce texte) : « Oui mais c’est de la force relative, c’est normal que le lourd soit désavantagé ». Et je vous répondrais que dans la plupart des disciplines sportives, la création des forces et des tensions se fait à poids de corps, et est donc une force relative avant tout. Je vous répondrais également que je pense que la performance se fait dans l’accélération de son corps, qui sera soit « utilisée » pour le déplacer, soit transmise à un engin, ou un adversaire aux oreilles en chou fleur avec un accent chantant de Tbilissi. Et la base de cela, c’est accélérer son corps. Et la force relative, compte. Et à ce jeu là, les lourds ne partent pas en pole-position.

Les lourds y gagneraient ainsi à augmenter la force de leur haut du corps, sur le mouvement de tractions, pour améliorer la puissance développée par le haut du corps, selon les relations force-vitesse, puissance-vitesse et puissance-force du mouvement de tractions.

3- Ils sont comme tout le monde

Bon, sortons de nos buffles, nos gorilles à dos argenté, nos taureaux de Gascogne et autres ours bruns, pour élargir notre champ visuel. Je suis convaincu qu’intégrer des tractions dans un programme d’entraînement d’un athlète fait partie des grandes idées de ce monde, au niveau de l’invention des restaurants japonais à volonté.

D’abord, tous les problèmes que j’ai évoqué précédemment, même s’ils sont statistiquement plus marqué dans la population des athlètes lourds, se retrouvent tout autant dans les autres populations ! Le déséquilibre torque interne/externe, le manque de force, particulièrement sur ce pattern, etc… Tout ça s’applique à toute la population sportive, et spécifiquement pour les lourds.

En outre, les tractions permettent une mise en charge importante sur une amplitude très grande. Elles permettent également un renforcement du grip, premier maillon de la chaîne de stabilisation de l’épaule.

Selon certains Strength coachs reconnus comme Charles Poliquin, l’amélioration de la performance en traction aurait un effet de radiation sur les autres patterns, notamment le sprint, en supprimant un facteur limitant de la performance, la capacité de la deuxième partie du couple de force (action des bras) à contrebalançer l’action motrice majeure des membres inférieurs.

Les sportifs, par prédisposition anatomique, ont ainsi souvent des leviers plus longs que la normale et des ratios tronc/membres et spécifiquement tronc/bras beaucoup plus bas que la reste de la population. Or, nous savons que ce type de morphologie a mécaniquement une tendance à recruter les trapèzes médians et supérieurs sur les mouvements de tirage, délaissant les grands dorsaux, grands ronds et brachioradiaux, plus prioritaires chez les petits trapus (souvent moins « optimisés » pour la performance). Ainsi, la traction sera souvent plus « compliquée » statistiquement chez un sportif de haut niveau, ses leviers étant loin d’être optimaux pour ce mouvement. Cependant, il lui permettra de retrouver un équilibre à l’intérieur même de son pattern de tirage, autour de l’épaule, du coude et de la scapula.


Yannis Tournier

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RÉFÉRENCES

https://www.t-nation.com/training/know-your-ratios-destroy-weaknesses

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28011412

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29351165

https://journals.humankinetics.com/view/journals/ijspp/12/9/article-p1249.xml

https://idus.us.es/handle/11441/88636;jsessionid=AEB7D2E6CEC5A7B8FCB0AA016491402E?

Guide des mouvements de musculation – Frédéric DELAVIER

Guide des tractions – Frédéric DELAVIER

Apprendre l’anatomie musculaire fonctionnelle – Frédéric DELAVIER